Régulation et législation du numérique : la transition énergétique des centres de données en 2025
En mai 2025, la publication de la loi DDADUE 2025 (loi n° 2025-391 du 30 avril 2025) marque une étape décisive dans la régulation environnementale du secteur numérique français. Cette loi, qui transpose la directive européenne sur l’efficacité énergétique, impose de nouvelles obligations aux entreprises, aux centres de données et aux acteurs publics pour accélérer la transition énergétique et renforcer la sobriété du numérique face à une consommation croissante d’énergie liée aux infrastructures digitales.
Un contexte d’urgence énergétique et environnementale
Le secteur numérique représente aujourd’hui 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et sa part dans la consommation énergétique mondiale ne cesse de croître, portée par l’explosion des usages, la généralisation du cloud et la montée en puissance de l’intelligence artificielle. En France, le gouvernement a fixé des objectifs ambitieux : réduire de 10 % la consommation énergétique du secteur d’ici fin 2025 et de 40 % d’ici 2050. Dans ce contexte, la loi DDADUE 2025 s’inscrit comme un levier central pour répondre à l’urgence écologique.
Les mesures phares de la loi DDADUE 2025
1. Transmission obligatoire des données énergétiques et environnementales
Désormais, les centres de données – qu’ils soient exploités par des entreprises, des banques ou des centres de recherche – doivent transmettre leurs informations administratives, environnementales et énergétiques à une plateforme numérique dédiée, mise en place par la Commission européenne, dès lors que leur puissance installée atteint ou dépasse 500 kW.
Cette obligation vise à objectiver l’empreinte énergétique réelle des data centers et à fournir aux pouvoirs publics des outils de pilotage pour la planification écologique. La collecte systématique de ces données permettra également de comparer les performances des différents acteurs et d’orienter les politiques d’incitation ou de sanction.
2. Valorisation de la chaleur fatale produite par les data centers
Autre mesure structurante : pour les centres de données dont la puissance installée est supérieure ou égale à 1 MW, la loi impose la valorisation de la chaleur fatale générée par les équipements informatiques. Cette chaleur, jusqu’ici largement dissipée dans l’atmosphère, devra désormais être récupérée et réutilisée, par exemple pour le chauffage urbain ou industriel.
Les modalités précises de cette valorisation – exigences techniques, conditions de dérogation – seront définies par décret en Conseil d’État. Cette mesure représente un défi technique et organisationnel important, mais aussi une opportunité de transformation pour les territoires accueillant des data centers, qui pourront bénéficier d’une nouvelle source d’énergie locale et décarbonée.
3. Systèmes de management de l’énergie et audits énergétiques
La loi DDADUE 2025 impose également, pour certaines entités, la mise en place d’un système de management de l’énergie ou la réalisation d’un audit énergétique couvrant au moins 80 % de leur facture énergétique. Ces dispositifs visent à identifier les gisements d’économies et à structurer la démarche d’amélioration continue de la performance énergétique.
4. Interdiction des certificats d’économies d’énergie pour les équipements fossiles
Dans une logique de cohérence écologique, la loi interdit désormais la délivrance de certificats d’économies d’énergie (CEE) pour l’installation d’équipements utilisant des combustibles fossiles, sauf en appoint. Cette disposition vise à orienter les investissements vers des solutions réellement décarbonées.
Des objectifs chiffrés et un calendrier ambitieux
La loi DDADUE 2025 fixe un cap clair : réduire de 30 % la consommation d’énergie finale d’ici 2030. Pour y parvenir, elle prévoit des étapes intermédiaires et des dispositifs d’accompagnement, notamment pour les collectivités territoriales de moins de 50 000 habitants, qui bénéficient de délais supplémentaires pour se mettre en conformité.
Pourquoi viser la sobriété énergétique dans le numérique ?
La sobriété énergétique est devenue un impératif pour le secteur numérique, dont la consommation augmente de 9 à 10 % par an. Les centres de données, en particulier, voient leur consommation électrique bondir de 75 % sur la période 2023-2025
. Face à cette dynamique, la maîtrise de l’empreinte énergétique passe par plusieurs leviers :
- Allongement de la durée de vie des équipements : la fabrication des équipements représente 78 % de l’impact environnemental du secteur
- .
- Optimisation des usages : réduire les flux de données non essentiels, privilégier l’éco-conception des services numériques.
- Innovation technologique : adoption de systèmes de refroidissement plus performants, récupération de chaleur, utilisation de processeurs moins énergivores.
Les impacts attendus et les défis à relever
Pour les entreprises et les opérateurs de data centers, la loi DDADUE 2025 implique une transformation profonde des pratiques. L’atteinte d’un PUE (Power Usage Effectiveness) proche de 1 devient un objectif central, traduisant une efficacité énergétique maximale
. La valorisation de la chaleur fatale, en particulier, représente une révolution pour les modèles d’exploitation des data centers.
Pour les territoires, l’obligation de récupération de chaleur ouvre la voie à de nouveaux modèles d’économie circulaire et à une meilleure intégration des infrastructures numériques dans la transition énergétique locale.
Pour l’ensemble du secteur, la publication et la transparence des données énergétiques permettront d’installer une dynamique de progrès, de benchmark et d’innovation, tout en renforçant la pression réglementaire sur les acteurs les moins vertueux.
Vers une nouvelle gouvernance du numérique responsable
La loi DDADUE 2025 s’inscrit dans une tendance européenne et mondiale de renforcement des exigences environnementales pour le numérique. Elle traduit la volonté de faire du secteur un acteur exemplaire de la transition écologique, tout en anticipant les risques de saturation énergétique et de rejet sociétal face à une croissance non maîtrisée.
En conclusion, la régulation énergétique des centres de données n’est plus une option mais une nécessité. La loi DDADUE 2025 place la France à l’avant-garde de ce mouvement, avec des obligations claires, des objectifs chiffrés et un calendrier exigeant. Les acteurs du numérique ont désormais la responsabilité et l’opportunité de transformer leurs modèles pour bâtir un numérique sobre, efficace et aligné sur les limites planétaires